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CERF VOLANT
DU BOUT DU MONDE

TEXTE DE MADELEINE CHARVET

TIRÉ DU FILM
"CERF VOLANT DU BOUT DU MONDE"
DE
ROGER PIGAUT ET ANTOINE TUDAL
HACHETTE


Les enfants du monde entier, quand ils marchent, regardent à terre dans l'espoir d'y découvrir de ces " choses " que les grandes personnes ne voient pas : un trèfle à quatre feuilles, une piécette de monnaie, une bille, un caillou qui brille au soleil.
Et les enfants du monde entier, quand ils sont en vacances, couchés dans l'herbe, que regardent-ils? Ils regardent le ciel. Et là aussi, ils trouvent des " choses " qui échappent aux regards des grandes personnes. Ils aperçoivent des oiseaux volant si haut qu'ils finissent par disparaître, des avions si lointains qu'on n'entend plus le bruit de leurs moteurs. Ils voient naître dans les nuages des monstres étranges, des paysages extraordinaires, des montagnes prodigieuses que le vent disperse en un instant.
C'est ainsi que des enfants indiens aperçurent un jour dans le ciel bleu une " chose " qu'ils ne connaissaient pas.
" Quel peut bien être cet oiseau? se demandèrent-ils.
- Ce n'est pas un oiseau, reprit un autre, il avance sans battre des ailes... "
" Ce ne peut être un avion ", pensa un enfant turc qui l'aperçut quelques jours plus tard.
Des jeunes Grecs le voyant ensuite crurent qu'un parachute était accroché derrière la " chose ". Une petite fille italienne la prit pour une soucoupe volante.
Cependant de jour, de nuit, la " chose " poursuivait son vol. Des enfants suisses la virent passer. Puis elle survola des villes de France, des villages au clocher pointu, des forêts, des rivières.
Tant et si bien qu'elle arriva un jour au-dessus de Paris. Du Bois de Boulogne, des enfants l'aperçurent.
" On dirait un planeur... ou un avion modèle réduit... "
On la repéra au-dessus du Bois de Vincennes, du Jardin des plantes, des Buttes-Chaumont, enfin de tous les endroits de Paris où des enfants regardaient ce qui se passe dans le ciel.
" Si seulement " ça " pouvait se poser, qu'on sache ce que c'est... ", pensaient tous ceux qui la voyaient passer.
Une nuit, finalement, comme si elle avait trouvé son but, un but qu'elle aurait longtemps cherché, la " chose " se posa. Elle atterrit sur la butte Montmartre, sur un très grand arbre, seul au milieu d'une place.

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Le matin suivant, un matin de vacances, plein de soleil, Pierrot, un garçon de onze ans, et sa bande d'amis, penchés par-dessus la balustrade d'une terrasse, l'aperçurent tous en même temps.
" On dirait un cerf-volant bleu et jaune.
- Ce serait bien si on pouvait l'attraper. Il est magnifique. "
Malheureusement, le cerf-volant s'était posé sur un arbre particulièrement difficile à escalader. Les garçons le connaissaient bien. Ils n'avaient jamais pu en atteindre le sommet.
" On ne pourra jamais le décrocher sans une échelle, remarqua l'un d'eux.
- Évidemment... Mais, où trouver une échelle assez haute?
- Il s'agit d'avoir une idée. "
Tous se turent pour penser, ou faire semblant. Car, dans cette bande, il n'y avait que deux garçons pour avoir des idées : Pierrot, le chef (ce qui est tout naturel), et Bébert. Lui aussi, il avait onze ans, il était fort et il aurait bien voulu être le chef. Mais les autres avaient préféré Pierrot. C'est pour cela que Bébert en était jaloux. Il aurait bien voulu lui jouer un tour, montrer de quoi il était capable.
Tout à coup, il se leva.
" Rends-moi mon harmonica, dit-il méchamment à l'un des petits.
- Pourquoi me le reprends-tu ?
- Où vas-tu ? " demandèrent les autres.
Bébert ne répondit rien. Enfouissant l'harmonica dans sa poche, il partit en silence suivi de son inséparable ami Jollivar.
" Il a dû trouver un moyen de décrocher le cerf-volant. Il faut arriver avant lui, dépêchons-nous ", décida Pierrot.
Ils se précipitèrent sur la place où se trouvait le fameux arbre. Tous essayèrent d'apercevoir le cerf-volant entre les branches. Tous, excepté Nicole, la sœur de Pierrot âgée de six ans, et son petit ami Claude. Eux, ils jouaient sans penser à rien avec Minou, le chat de la concierge, leurs deux têtes rousses contre son pelage blanc.
" Il ne vous fait penser à rien, ce chat? " demanda tout à coup Pierrot.
Les autres se regardèrent sans comprendre. Pierrot devait avoir une idée : il se mit à prendre Minou dans ses mains, à le caresser et le posa dans l'arbre aussi haut qu'il put. Lorsque le chat fut arrivé presque au sommet, Pierrot appela :
" Minou, viens, descends! "
Mais Minou, ne pouvant ni descendre ni sauter, miaulait désespérément. La concierge sortie de sa loge l'appelait en lui tendant les bras et en gémissant. Toutes les commères du quartier, apparaissant à leurs fenêtres, donnaient des conseils à la pauvre femme affolée qui ne savait plus que faire. Alors, Pierrot suggéra :
" II faudrait appeler les pompiers. "
Ses camarades comprirent enfin son idée. Les pompiers, eux ont une grande échelle... Tout bas, Pierrot se mit à expliquer quelque chose à sa petite sœur et courut avec les autres se cacher derrière une palissade. Nicole, elle, resta sur la place, elle observa l'arrivée des pompiers et suivit attentivement tous leurs faits et gestes... Le capitaine grimpa sur la grande échelle, attrapa Minou qu'il rendit à sa " mère ". Alors, la petite fille s'approcha du capitaine et demanda :
" Dis, monsieur le pompier, tu veux bien me rendre mon cerf-volant? Le vent l'a porté tout en haut de l'arbre."
Le capitaine, qui aimait les enfants, remonta sur sa grande échelle, décrocha le cerf-volant, le remit à Nicole qui remercia poliment et alla rejoindre son frère.
Pendant ce temps, Bébert et Jollivar avaient trouvé une échelle de peintre sur un chantier abandonné. C'était une échelle très longue et très lourde. Ils la saisirent chacun par une extrémité. Mais, comme les rues du quartier étaient fort tortueuses, ce fut une véritable expédition que de la transporter jusqu'à la place où se trouvait l'arbre. Lorsqu'ils y parvinrent enfin, ils rencontrèrent une toute petite fille qui leur dit :
" Ce n'est pas la peine de venir chercher le cerf-volant, les pompiers l'ont donné à Nicole... "
Rouges de fatigue et de rage, les garçons lâchèrent leur échelle.
" Pierrot a encore été le plus malin, constata Jollivar.
- On verra s'il est malin jusqu'au bout ", protesta Bébert.
Et tout en obligeant Jollivar à l'aider à remporter l'échelle, Bébert ruminait des projets de vengeance.
Dans leur " terrain", un de ces endroits pleins d'herbe et de buissons qui semblent oubliés entre les maisons des villes, Pierrot et ses amis sont en contemplation devant l'immense cerf-volant de soie jaune, rouge et bleue, un forme de clown, qui leur est tombé du ciel.
Ils l'examinent, le retournent dans tous les sens et finissent par découvrir une sorte de poche qui contient une lettre.
" C'est merveilleux, une lettre qui tombe du ciel! "
Malheureusement, cette lettre, personne ne peut la lire : elle est écrite dans une drôle de langue. C'est peut-être du chinois...
" Si on la montrait à M. Wang, il pourrait la comprendre, lui ", suggère Nicole.
Ils se hâtent donc de porter la lettre et le cerf-volant à l'antiquaire chinois de la rue voisine. Mais, en chemin, ils rencontrent Bébert et Jollivar qui les attaquent et essaient de leur arracher des mains leur précieuse trouvaille. Ils se défendent à coups de pieds et de poings et Bébert ne parvient finalement à en enlever que la queue faite de rubans de papier multicolores.
" Le bandit,...le lâche..., bougonnent les enfants en poursuivant leur route.
- Heureusement, il ne nous en a pris qu'un morceau. "
Les voyant entrer dans sa boutique, le Chinois s'écria :
" Sou Wou Kong... Mais c'est Sou Wou Kong que vous m'apportez là. C'est le roi des magiciens... Il peut faire des choses extraordinaires...
- Il nous a apporté une lettre et nous voudrions savoir si vous pouvez nous la déchiffrer. "
Souriant, l'antiquaire lit le message qui explique l'histoire du cerf-volant.
C'est Song Tsiao Tsing, un garçon de Pékin, âgé de onze ans lui aussi, qui l'a confié au vent. Il espère que celui qui le trouvera deviendra son ami et qu'il lui écrira. Il ajoute qu'il attend avec impatience une réponse et que son adresse est inscrite sur le cerf-volant. Pierrot et le Chinois la cherchent partout sur la soie, mais ils ne découvrent que le mot " Chine ". La suite de l'adresse, se trouve sur le morceau resté aux mains de Bébert.
Sans perdre un instant, ils se mettent tous à la recherche de celui-ci, organisant une grande battue à travers les rues du quartier. Mais Bébert était champion de course et de saut, et ce n'était pas facile de le rattraper...
Enfin, ils parviennent à le cerner dans une impasse. D'un bond, il est sur le toit d'un garage.
" Rends-nous ce que tu nous as pris, crient-ils.
- Jamais de la vie... Vous ne le reverrez jamais, votre morceau de cerf-volant... Voilà ce que j'en fais, moi ! "
Et sortant une boite d'allumettes de sa poche, il s'apprête à y mettre le feu.
" Non, Bébert... Tout ce que tu voudras, mais ne fais pas ça, supplie Pierrot.
- Alors, laissez-moi passer sans me toucher. Il faut que je rentre chez moi. Il est tard. "
Sans un mot, tous s'écartent. Bébert s'en va et, tristement, chacun rentre chez soi, car la nuit tombe.


Avant de se coucher, Pierrot pose sur la commode au pied de son lit le grand cerf-volant de soie. Il feuillette des livres, des atlas qui parlent de la Chine. Il songe à ce pays lointain, se demandant comment il pourrait bien aller faire la connaissance de ce nouvel ami Song. Il voudrait lui écrire, le voir. Mais comment y parvenir? Nicole dort déjà dans le lit voisin. D'ailleurs, elle est trop petite pour avoir des idées, Nicole.
" Elle a de la chance, elle n'a pas de soucis! " soupire-t-il.
Les yeux fixés sur le magicien, il se couche en murmurant :
" Si tu étais vraiment magique, tu pourrais m'aider, toi! "
Et voilà que les yeux de Sou Wou Kong se mirent à tourner dans leurs orbites, ses paupières battirent.
" Sou Wou Kong! " appela Pierrot.
Le tissu du cerf-volant s'anima, le génie en descendit, fit quelques cabrioles comme pour se dégourdir les jambes.
D'abord, il était tout petit. Puis il grandit progressivement et devint finalement de la taille d'un homme. C'était vraiment le roi des magiciens! D'un bond, il s'installa sur le pied du lit de Pierrot qui le regardait sans aucune crainte. Son visage était peint comme celui d'un clown, ses oreilles cachées par de gros pompons jaunes.

Il se mit à parler d'une curieuse voix nasillarde :
" Tu as demandé que je vienne te voir. Que puis-je faire pour toi?
- Eh bien, il faut absolument que je réponde à un petit Chinois qui m'a écrit de Pékin et je n'ai pas son adresse, je ne sais comment faire... "
Pierrot expliqua l'histoire du cerf-volant, la bataille avec Bébert, la lettre de Song.
" La seule chose à faire est d'aller en Chine toi-même, décida Sou Wou Kong. Je ne vois pas d'autre moyen... "
A ces mots, Nicole se réveilla et demanda à son frère de l'emmener aussi. Pierrot, lui, ne se voyait pas du tout arrivant en Chine avec Nicole qui se perd tout le temps, qu'il faut tenir par la main ou porter sur son dos...
" Jamais de la vie... Tu serais fatiguée... C'est trop loin pour toi. la Chine. "
Sans se décourager, elle alla parler tout bas à l'oreille de Sou Wou Kong.
" Écoute, monsieur, on dit que tu es très, très fort... Tu ne pourrais pas dire à mon frère qu'il m'emmène en Chine? "
Le magicien souffla dans la direction de Pierrot et aussitôt celui-ci proposa :
" Nicole, si tu voulais bien venir en Chine avec moi, tu me ferais drôlement plaisir... "
Toute contente, elle jeta un clin d'œil de remerciement à Sou Wou Kong et grimpa dans le lit de son frère qu'elle embrassa sur les deux joues.
" Est-ce qu'il y a beaucoup de costumes brodés en Chine, monsieur? " demande Pierrot.
Le magicien se met à rire et répond :
" Tu verras quand tu seras là-bas... Vous êtes prêts à partir ? "
Et il se met à souffler, souffler... La chambre se remplit de vent, de nuages blancs qui enveloppent le lit et finissent par l'emporter tout doucement. La brise fait flotter les cheveux de Nicole qui, frileuse, se glisse sous les couvertures. Accoudé au pied du lit, Pierrot écarquille les yeux. Mais on ne voit rien que des nuages. Et le voyage dure longtemps... longtemps...
" Oh! voilà le jour qui vient... Regarde, Pierrot, on descend... "
En effet, le lit s'était arrêté.
" On doit être en panne. C'est impossible qu'on soit déjà arrivés. "
Pourtant, sous le lit, il n'y avait plus de nuages, mais des petits pavés gris, bien serrés.
Les enfants se trouvaient déposés au bas d'un gigantesque escalier de pierre au bout duquel se dressait un immense palais rouge au double toit de céramique jaune. Laissant Nicole près du lit, Pierrot, nu-pieds, en pyjama, avançait extasié. Il ne cessait de répéter :
" En Chine... On est en Chine... "
Silencieux et dignes, vêtus de somptueuses robes brodées, des Chinois gravissaient eux aussi les marches de l'escalier. Pierrot s'en approcha et leur demanda :
" Excusez-moi de vous déranger... Ne connaîtriez-vous pas un petit garçon qui s'appelle Song Tsiao Tsing? "
Mais personne ne lui répondit et il continua à se diriger vers l'entrée du palais en répétant toujours la même question. Les portes s'ouvrirent alors pour livrer passage à un prodigieux cortège au milieu duquel se trouvait un jeune garçon revêtu d'ornements dorés. Au lieu de répondre à la question que Pierrot lui posa bien poliment, il fit un geste de la main et tous les gardes se dirigèrent vers l'étranger, le menaçant de leurs lances.
Affolé, Pierrot protesta :
" Mais, je n'ai rien fait de mal... Je cherche seulement Song de Pékin... Song Tsiao Tsing... "
Poursuivi par les gardes, il se sauva en courant, trébucha, tomba en appelant :
" Sou Wou Kong!
- Eh bien, me voilà, que puis-je faire pour toi ? "
Pierrot se releva. Il aperçut le magicien perché dans un arbre. D'un air assez mécontent, celui-ci demanda :
" Pourquoi me déranges-tu ?
- Ces hommes en tuniques voulaient me couper la tête avec leurs hallebardes.
- Tu avais voulu voir des gens habillés de broderies d'or, n'est-ce pas? Il n'y a que les empereurs d'autrefois qui s'habillaient ainsi.
- Je ne veux pas des empereurs, proteste Pierrot... Je veux trouver Song, pour qu'il devienne mon ami.
- Mon petit garçon, un ami, cela ne se trouve pas. Un ami, ça se mérite. Tu es en Chine, à Pékin, c'est déjà quelque chose, n'est-ce pas ? "
Et devant l'air désappointé de Pierrot, il ajoute :
" Tiens, prends toujours cette bille magique, elle pourra t'aider. "
Sou Wou Kong sort de sa poche une grosse bille de verre sur laquelle il souffle avant de la remettre à Pierrot et de disparaître.
Pierrot regarde autour de lui. Plus de palais, plus de gardes, plus même de lit. Il est tout habillé, seul dans une grande forêt.
" Nicole, où es-tu ? "
Il la cherche partout derrière les arbres, il marche dans un demi-brouillard en appelant :
" Nicole, Nicole... "
Personne ne lui répond. Cette forêt est un vrai désert. Désespéré, il s'adresse à sa bille, la jette en l'air et la rattrape.
" Nicole ! "
Et Nicole apparut, tranquillement assise sur un tronc d'arbre. Elle était tout habillée, elle aussi, et jouait avec un petit Chinois de son âge.
" Allez, viens, Nicole, il faut retrouver Song. "
Tenant sa sœur par la main, il continua à marcher. Peu à peu, la forêt se transforma en une immense avenue où passaient des Chinois par centaines, par milliers. Ceux-là n'étaient pas habillés de vêtements brodés. Ils portaient des pantalons et des chemises, des jupes et des chandails. Mais ils parlaient chinois et c'était bien gênant. Pierrot avançait en répétant toujours la même question :
" Pouvez-vous me dire où habite Song? Song Tsiao Tsing ? "
Les gens, pressés, le regardaient à peine et continuaient leur chemin.

Enfin, Pierrot et Nicole rencontrèrent une bande d'enfants chinois. Même quand ils ne parlent pas la même langue, les enfants de tous les pays se comprennent un peu. Ils se comprennent en tout cas pour jouer ensemble et pour s'aider. Pierrot sortit de sa poche la fameuse lettre en chinois et la fit lire à ses nouveaux amis. Ils se rendirent compte tout de suite que Pierrot devait absolument retrouver Song pour qui il était venu de l'autre bout du monde. Et ils eurent une idée merveilleuse.
Ils allèrent chercher une petite fille chinoise qui parlait aussi le français : elle s'appelait Monique.

Tout de suite, elle leur dit :
" Mes amis m'ont tout expliqué. On va tous se mettre à vous aider à retrouver Song. Seulement, c'est difficile, parce qu'il faudrait avoir son adresse. "
A ce moment, Pierrot aperçut parmi la foule des Chinois autour de lui quelqu'un qui ricanait... C'était Bébert lui-même, en Chine lui aussi, qui disparut en criant :
" Tu ne la retrouveras jamais, l'adresse... jamais... "
Le voyant découragé, les jeunes Chinois entourèrent Pierrot. A eux tous, ils trouveraient sûrement un moyen de l'aider. Ils parlaient entre eux, très vite, dans leur langue étrange. Tout à coup, Monique annonça :
" On va appeler Song à la radio, il nous entendra certainement. "

Elle les emmena vers un grand bâtiment moderne qui est la Centrale de la Radio des enfants. Tous les employés sont des enfants. Monique parla aux uns et aux autres, tous sourirent à Pierrot et à Nicole, tous étaient décidés à les aider dans leur recherche. Finalement, Monique arriva au poste émetteur et demanda à la petite speakerine d'appeler Song.
Dans les jardins publics, les cours de récréation des écoles, le long des avenues, sur les embarcadères du fleuve, se trouvaient des haut-parleurs qui diffusaient les émissions de la radio enfantine. La petite fille commença à parler dans le microphone. Elle expliqua aux enfants de Pékin que Pierrot était venu de France pour trouver l'ami qui lui avait envoyé son cerf-volant. Bien entendu, Pierrot ne comprenait rien. Seulement, de temps en temps, il reconnaissait les mots :
" Song Tsiao Tsing... "
Un autre appareil s'alluma... La petite fille saisit un récepteur et déclara :
" Il est là, dehors, dans le jardin. "
Aussitôt, Pierrot et ses amis se précipitent à la rencontre de Song...
Mais, la cour était déserte. Seul, appuyé contre un arbre, se trouvait un étudiant, la veste jetée négligemment sur les épaules, un livre à la main. II fut tout surpris de se trouver entouré d'une foule d'enfants qui lui demandaient son nom. Pierrot restait à l'écart. Il savait bien, lui, que ce ne pouvait être Song... Song avait écrit qu'il avait onze ans, comme Pierrot, justement.
Un éclat de rire part d'un arbre voisin. " Song... Enfin... "
Non, ce n'est pas Song... Perché en haut d'un arbre, c'est encore Bébert qui se moque de Pierrot. Vêtu de sa même culotte trop courte, de son maillot rouge, il brandit la queue du cerf-volant en criant :
" Tu ne l'auras jamais, tu m'entends, jamais... "
Et il saute en bas de l'arbre.
" Cette fois, tu ne nous échapperas pas... "
Pierrot expliqua aux autres qui était Bébert et comment il avait l'adresse de Song. Tous se lancèrent à sa poursuite, se dispersant à travers les rues de la ville. Pierrot passa dans les larges avenues modernes qui longent le fleuve, entre les bâtiments tout neufs des universités, des instituts, des écoles.
Toujours, les avenues fourmillaient de gens vêtus de chemises flottantes et de pantalons où dominait la couleur bleue.
Mais le maillot rouge de Bébert se perdait parmi les costumes rouges des enfants chinois. Bébert s'était engagé dans une rue qui devenait maintenant beaucoup plus étroite. Des ruelles y débouchaient et Pierrot se demandait dans laquelle Bébert avait bien pu s'engager. A bout de souffle il s'adressa à un vieux marchand qui, installé au bord du chemin, offrait aux passants ses poissons d'or porte-bonheur.
" Pardon, monsieur, vous n'auriez pas vu un petit garçon avec un maillot rouge ? "
Malheureusement, le marchand ne comprenait pas le français. Il regarda Pierrot en souriant, mais il ne pouvait rien pour lui : il ne pouvait que lui offrir ses poissons porte-bonheur.

 

Alors, Pierrot reprit sa poursuite par les rues grouillantes de monde qui allaient grimpant et se rétrécissant. Il aperçut au loin Bébert debout dans un pousse-pousse, le précieux morceau de cerf-volant à la main. Dans un violent effort, bousculant les passants, il rejoignit le véhicule. Celui-ci était vide! De nouveau Bébert avait disparu.
Pierrot cependant continua sa course. Les rues d'abord moins peuplées devinrent finalement désertes. Les maisons qui les bordaient n'avaient aucune fenêtre dans laquelle Bébert aurait pu s'engouffrer et disparaître. Sans le savoir, Pierrot venait de pénétrer dans le vieux Pékin, l'ancienne ville des empereurs. Et il marchait, inquiet, seul, entre les murs rouges et jaunes. Il ne voyait rien que les statues de dragons, de grenouilles, de chevaux, étrangement perchées au bord des toits.
Tout à coup, se découpant sur le ciel, il aperçoit la silhouette de Bébert. Grimpé sur un toit de céramique verte, il le nargue comme il le faisait du haut du toit du garage à Montmartre.
Pierrot lui propose :
" Tu vois cette bille, Bébert? Elle est magique... Je te l'échange contre l'adresse.
- Tu ne l'auras jamais, l'adresse, jamais... Voilà ce que j'en fais. "
Avec un rire méchant, il met le feu aux rubans de papier du cerf-volant.
Fou de rage, Pierrot jette alors la bille en criant :
" Tant pis pour toi... Tu l'auras voulu... Bille, emmène-le chez les empereurs... "
Aussitôt les garçons se trouvèrent enveloppés par un nuage magique. Bébert disparut et Pierrot se retrouva au milieu de ses amis chinois.
" As-tu attrapé Bébert? Lui as-tu repris l'adresse ?
- Non, il l'a brûlée sous mes yeux, mais je l'ai envoyé chez les empereurs. "
Monique qui tenait Nicole par la main proposa d'aller à un immense pique-nique organisé par tous les enfants dans les jardins de l'ancien palais d'été qui dominent la ville de Pékin.
" Là-bas, il y aura beaucoup d'amis qui nous aideront. On pourra appeler Song par sémaphore en même temps que par radio. "
Pierrot se serait bien passé de déjeuner pour retrouver plus vite son ami. Mais Nicole et les autres avaient tout à coup faim. Alors, il fut bien obligé de faire comme tout le monde et s'efforça même de manger avec des baguettes le riz qu'on lui servait dans un bol. Mais il était surtout préoccupé de savoir ce que disait le petit poste de radio placé près de Monique. Il aurait voulu comprendre les signaux que les enfants se faisaient de colline à colline.
Il songe que partout dans Pékin, par les larges avenues, dans les ruelles étroites, sur les barques et les jonques du fleuve, sur les embarcadères du grand lac, partout, les enfants de Pékin cherchent Song, son ami à lui, Pierrot.
Tout à coup, Monique se pencha vers le poste. Radieuse, elle se retourna vers Pierrot :
" On a trouvé une piste... "
Elle écouta encore la petite voix qui sortait du haut-parleur et s écria :
" Il arrive... Il arrive... Song Tsiao Tsing est en bas de la colline. "
Du coup, plus personne ne s'intéresse au repas. Garçons et filles dévalent à toutes jambes le grand escalier qui mène au pied de la colline. Tous veulent connaître l'ami de Pierrot. Mais lui, qui est parti en avant en courant comme un fou, s'arrête subitement.
" Nicole, où es-tu? "
Il ne l'aperçoit nulle part autour de lui. Alors, il revient sur ses pas pour la chercher. Le Grand-Palais-Qui-Domine-Les-Nuages, derrière lui, était maintenant d'un silence et d'un calme inquiétants.
Appelant toujours sa sœur, Pierrot poussa une porte puis une autre et parvint sur une terrasse. Le palais était désert. Voici que devant lui des portes s'ouvraient silencieusement, toutes grandes, livrant passage à des gardes revêtus de costumes brodés et porteurs de lances menaçantes. Et au milieu d'eux, vêtu comme un empereur, triomphant, marchait Bébert.
Pierrot terrifié chercha à s'enfuir. Mais, derrière lui, les portes s'étaient refermées, hermétiquement. Il cria :
" Dépêche-toi, Bébert, qu'on en finisse. "
Et il enfouit sa tête dans ses bras pour ne pas voir la lance qui devait le transpercer.
Pourtant, il ne se passa rien. Quand il eut le courage de relever la tête, les gardes étaient toujours là. Mais, debout à côté de Bébert qui jouait avec la bille magique, se tenait Nicole habillée en princesse chinoise. D'une chiquenaude sous la main de Bébert, elle fit sauter cette bille dans la direction de Pierrot qui l'attrapa au vol.
De nouveau, tout s'évanouit, Bébert, les gardes et les beaux habits de Nicole qui se retrouve en jupe et en chandail dans les bras de son frère qui l'embrasse à l'étouffer.

" Elle m'avait sauvé la vie, vous comprenez ", expliqua Pierrot couché dans l'herbe du " terrain " tandis qu'il racontait à ses amis le merveilleux rêve qu'il avait fait. C'était un rêve si extraordinaire, si vivant, que Pierrot avait la sensation de l'avoir vécu. Et ses amis qui l'écoutaient avaient eux aussi l'impression qu'il était vraiment allé en Chine avec Nicole, qu'il avait réussi à faire disparaître Bébert à l'aide de la bille magique.
Au moment même où l'on parle de lui, Bébert arrive, bien vivant...
" Fouillez-le, s'écrie Pierrot. Cette fois, il ne nous échappera pas.
- Lâchez-moi, proteste Bébert en se débattant. Regardez plutôt ce que je vous apporte. "
Et il sort de sa poche une lettre-avion portant l'adresse de Song Tsiao Tsing.
Bébert a appris toute l'histoire du cerf-volant par l'antiquaire chez qui il avait vu entrer Pierrot. Pour gagner du temps et se racheter de sa méchanceté, il a composé avec le Chinois une réponse à Song.
C'est cette lettre qu'il apporte.
" Signe-la, toi, Pierrot. C'est toi qui as trouvé le cerf-volant, c'est toi l'ami de Song. "
On serre la main de Bébert, on se réconcilie. Et tous ensemble, ils vont mettre à la boîte la lettre qui raconte à Song qu'il a de nouveaux amis là-bas, en France.
" Et le cerf-volant, si on le faisait voler? propose l'un des enfants.
- Ce serait bien si on y mettait aussi une lettre et qu'on le laisse partir dans le vent, suggère Pierrot...
- Pour qu'il nous fasse de nouveaux amis.
- D'accord... C'est toi qui écriras la lettre, Pierrot... Tu pourras parler de ton ami Song...
- Mais, au fait, Song, dans ton rêve, est-ce que tu as fini par le rencontrer ? "
Tous, y compris Bébert, se groupèrent de nouveau autour de Pierrot qui, les yeux perdus dans le ciel, poursuivait son voyage en Chine.
" Eh bien, oui, je l'ai vu. Et j'ai tout de suite su qu'il était mon ami. "
De nouveau, à haute voix, Pierrot revivait son rêve. Il se retrouvait sur la terrasse du palais d'été. Débarrassé de l'empereur et des gardes, il avait saisi Nicole par la main et dévalé au bas de la colline. Ils étaient parvenus à une immense avenue remplie d'enfants. C'était le jour de la fête des cerfs-volants et tous couraient contre le vent, une ficelle à la main. Le ciel était rempli de ces immenses oiseaux de toutes couleurs. Pierrot et Nicole ne savaient plus où regarder, où chercher Song parmi cette foule multicolore. Tout à coup, ils aperçurent haut dans le ciel Sou Wou Kong, un cerf-volant pareil à celui qui était arrivé à Montmartre. Et à terre, tenant la ficelle, un garçon de onze ans environ, sympathique et souriant. Pierrot s'approcha de lui et demanda :

" Song Tsiao Tsing ? "
L'autre acquiesça d'un geste de la tête.
Enfin c'est lui... Song... Pierrot lui serre la main, Nicole se jette à son cou. Toute la joie de Song apparaît sur son visage. Il ne comprend pas ce que Pierrot lui raconte, mais il sait que le grand cerf-volant lui a apporté un ami, un vrai.

Émerveillés par ce récit, espérant que la même aventure leur arrivera, les garçons de Montmartre tous ensemble se mirent à écrire une lettre. Pierrot, toujours perdu dans son rêve, la leur dicta :
" Enfant de n'importe où, si tu trouves cet oiseau, cela veut dire que tu as des amis quelque part dans le monde, qui attendent de te connaître... "
Et comme Song, ils la confièrent au grand cerf-volant qu'ils lâchèrent dans le ciel. Longtemps, ils le suivirent des yeux, jusqu'à ce qu'il se perdît dans les nuages.
Quelque part ailleurs, dans le monde, des enfants couchés dans l'herbe regardent le ciel. Eux aussi, ils espèrent quelque chose... Ils attendent que, sur les ailes d'un oiseau inconnu, le vent leur apporte

UN MESSAGE D'AMITIÉ.

Un film plein de charme et de poésie, dont l'histoire est entièrement centrée sur un cerf-volant.
Des poulbots à la Prévert découvre la fraternité.

Le synopsis du film et les critiques

Le générique

Le réalisateur

Ci-dessous l'histoire tirée du film